Comment le confinement et la PNL ont débloqué mon fils en orthographe !

Pierre FOURNIER
6 min readApr 28, 2021

Pendant longtemps mon fils a été médiocre en orthographe alors qu’il a une excellente mémoire. On avait beau lui faire recopier les mots par kilomètres, la situation restait désespérément stable.

Il a d’abord fallu le confinement pour que je commence à envisager que ce n’était probablement pas de sa faute (mauvaise volonté, paresse…) et qu’il y a avait certainement un problème plus profond.

Il a ensuite fallu que je suive une formation en PNL (Programmation Neuro Linguistique) pour comprendre qu’il faisait naturellement appel à sa mémoire auditive là où l’orthographe fait appel à la mémoire visuelle. Il a enfin fallu l’aide d’un site d’orthophoniste pour découvrir une solution au problème sous la forme d’un jeu éducatif très simple (MOV).

Un miracle s’est ensuite produit puisqu’il a commencé à ramener des 10 à la maison en dictée… Au final, cette petite anecdote m’a interpelé sur les limites d’un système scolaire très uniformisé et sur le rôle critique que les enseignants pourraient (devraient) y jouer.

La même punition pour tous

Mon fils Gaspard, qui est né en 2011, a toujours eu une excellente mémoire. J’ai toujours été sidéré par sa capacité à apprendre les paroles d’une chanson en quelques écoutes. Aussi, quand il a commencé à apprendre l’orthographe, j’ai été surpris qu’il fasse autant de fautes, et de manière aussi répétée. Comment un enfant avec une aussi bonne mémoire pouvait-il avoir autant de difficultés en orthographe ? Il est passé en CE1, puis en CE2, et les difficultés persistaient toujours. Pire, ils refaisaient les mêmes fautes chaque semaine malgré la punition classique que lui infligeaient ses professeurs (ou nous mêmes le week-end) : recopier les mots où il avait fait une erreur. 2 fois, 3 fois, parfois plus quand l’énervement nous gagnait (je ne dirais pas combien). La phrase “Fais donc un effort !” revenait régulièrement en fin de séance.

Bart Simpson, un habitué du recopiage de mots

Détecter le problème grâce au confinement

Mars 2020. La France se confine. Les parents font l’école à domicile. Ma femme étant d’astreinte, c’est plutôt moi qui assume cette tâche. Je fais travailler Gaspard tous les jours alors qu’en temps normal, c’était la nounou qui faisait faire les devoirs le soir (je sais, c’est mal). Je m’aperçois que le problème en orthographe est peut-être pire encore que ce que j’imaginais. Passé l’agacement initial, et en pleine lecture du livre de Rosenberg sur la CNV (Communication Non Violente) dont le postulat de base est que l’individu est bien intentionné, je commence à m’interroger. Il ne le fait peut-être pas exprès ? D’ailleurs ça a l’air de le rendre triste de ne pas y arriver… Il n’est pas paresseux, au contraire il essaie de s’améliorer et recopie consciencieusement les mots (on a fait plusieurs fois la distance Paris-Marseille à ce stade). Un flash finit par me traverser : ce n’est pas de sa faute. Il doit y avoir un problème. Je lui accorde enfin le bénéfice du doute. Que de temps pour en arriver là. Je me dis au passage que c’est bizarre que ses enseignants n’aient pas non plus évoqué la possibilité d’un problème avec moi. J’en conclus que pour eux aussi, c’était à Gaspard de faire des efforts.

Trouver l’origine du problème grâce à la PNL

Maintenant que je me dis qu’il y a un problème, j’essaie de comprendre lequel. Il me faudra plusieurs mois avant de trouver la solution. Entre temps j’ai arrêté de m’énerver sur l’orthographe et j’essaie beaucoup plus de le soutenir car je me dis que cette situation doit le rendre malheureux (même s’il a une bonne capacité à se détacher de ce genre de problème !). J’entame fin 2020 une formation à la PNL (Programmation Neuro Linguistique) en arrivant à Lyon à l’IFPNL. J’ai soudain une révélation quand notre enseignant (excellent) nous présente l’analyse des mouvements oculaires. Pour faire simple, quand une personne lève les yeux vers le haut, elle fait appel à sa mémoire visuelle. On se dit que les enseignants feraient bien d’arrêter de moquer les élèves qui adoptent cette attitude en leur disant que “la réponse n’est pas écrite au plafond”. Quand elle porte son regard sur les côtés, elle sollicite sa mémoire auditive. Il nous apprend aussi que chaque personne a une forme de mémoire “privilégiée” à laquelle il fait naturellement appel. Tout de suite je repense aux chansons (audition) apprises avec une facilité déconcertante par Gapsard… Je me dis qu’en rentrant je lui ferai le test sur le regard. Bingo : il a tendance à regarder sur les côtés. Le problème devient clair : Gaspard utilise sa mémoire auditive en priorité pour apprendre les mots alors qu’il faudrait surement mieux utiliser sa mémoire visuelle.

Trouver une solution grâce aux orthophonistes

Maintenant que j’avais trouvé l’origine du problème, il me restait à trouver une solution pour le résoudre. Je restais d’abord perplexe. Comment “forcer” mon fils Gaspard à utiliser sa mémoire visuelle plutôt que l’auditive qu’il sollicitait naturellement ?

Sans solution immédiate, je lançais une recherche sur Internet, et rapidement je suis tombé sur l’article d’un site (Ortophonie et Logiciels libres). J’eus la confirmation que le diagnostic était le bon, je pus même mettre un mot dessus : la subvocalisation. Cela consiste à se répéter les lettres à voix très basse (mémoire auditive). On peut ainsi retenir le mot, mais uniquement pendant un court instant. C’était bien le cas de Gaspard ! Cela expliquait aussi le fait qu’il refasse chaque semaine les mêmes fautes.

Les auteurs ont conçu un jeu astucieux (MOV)pour inciter les enfants à utiliser leur mémoire visuelle. A priori ils se sont basés sur les travaux d’un psychologue anglais du nom de Baddeley (un peu de détails ici). On présente à l’enfant une carte avec un mot écrit en lettre capitale pendant un court instant puis on cache la carte. Il doit ensuite lancer un dé avec une action différente sur chaque face. Les actions sont assez difficiles (épeler le mot à l’envers, compter le nombre de voyelles, etc) et varient d’un tour à l’autre. L’enfant ne peut donc pas développer de stratégies d’anticipation.

Le fameux dé pour faire jouer votre enfant à MOV

J’imprime les cartes des mots (les mots invariables de la langue française qu’il apprend chaque semaine sur son carnet comme “jamais”, “moins”, “malgré”, “tandis que”, etc). Nous essayons d’y jouer chaque soir 5 à 10 minutes.

Et là le miracle se produit : le nombre de fautes commence à diminuer. Jusqu’au jour où Gaspard revient de l’école avec un 10 en dictée. À côté de ça, le fait que Thomas Pasquet s’arrime à la station spatiale me semble presque banal.

Je n’en reviens pas !

Les limites de notre système scolaire

Une fois passée l’euphorie, je commence à m’interroger sur notre système éducatif. Je me dis d’abord qu’il est naturel qu’un système aussi “industriel” (12M d’enfants scolarisés chaque année quand même !) ne puisse détecter des cas isolés comme celui de Gaspard et entreprendre toute la démarche que j’ai effectuée sur l’année passée. Puis je me dis que Gaspard ne doit pas être le seul dans cette situation. Et que les professeurs qui font cours enseignent pour certains depuis plusieurs dizaines d’années… Que c’est leur métier et qu’ils pourraient être au courant de ce genre de problème. Pourtant tous s’entêtaient à appliquer la même recette -faire recopier- avec le même résultat -nul. Que la PNL date de 1976, les travaux de Baddelay de 1995 et l’exercice MOV de 2011… Que détecter qu’un enfant privilégie sa mémoire auditive est très simple et pourrait s’effectuer en quelques minutes en début d’année… Et que cela éviterait bien des traumatismes ! Bref, il est peut-être temps que l’éducation nationale adopte une attitude “d’amélioration continue” généralisée (je ne doute pas que ponctuellement certains enseignants aient fait cette démarche).

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Pierre FOURNIER

Tech entrepreneur, Coach, Trainer | Founder @WILL, ex-CPO (Chief Product Officer) at ManoMano, ex Founding Partner at Artefact